_Des amis que j’aime

_Des amis que j’aime

Il est limité et fragile,

Est-il resté un enfant?

Il n’apprend ni bien ni vite

Et ses mots s’embrouillent en sortant.

On le trouve peu intéressant,
Il n’a rien réussi d’éclatant,
Son intelligence est lente et embrumée,
Son âme est blessée, il se sent rejeté.

Pour se débrouiller seul

Il ne sera jamais un modèle,

On le dit peu autonome et déçu,

Sans les autres il est perdu.

Par moments l’angoisse déforme son visage,

Son corps se tord et se cabre,

Objet de luttes insondables,

Et la violence crie.

Il s’appelle Paul, Émilie ou un autre.

Peu importe, il est différent, il le sait.

Il veut vivre et ne sait trop comment,

Il s’est si souvent senti de travers.

Des milliers comme lui lancent:

“Qui va m’aimer, qui va rester avec moi?

 Combien de temps, jusqu’où?

 Partiras-tu, toi aussi comme les autres?”

Quelques-uns, pour moi, ne sont plus anonymes,

Ils ont pris place quelque part en mon lieu,

Ils ont eu besoin de moi, j’ai eu besoin d’eux

Et nous sommes devenus importants à nos yeux.

Quelques-uns ont touché mes racines,

J’ai pu lire la confiance dans leur regard,

Nous avons cultivé ensemble un jardin commun

Et partagé une alliance qui nous unit.

J’en ai vu saisir leur vie,

Répondre à leurs défis

Et devenir “eux-mêmes”,

Responsables et paisibles.

Ils cherchent peu à vivre seuls,

Isolés et arrogants,

Ils ne préservent ni richesse ni science

Car ils sont fragiles et ont besoin d’amis.

J’en ai vu prier

En toute simplicité,

Leur constant besoin d’assistance

Les prédispose à la confiance.

Ils n’ont rien à prouver

Pour avoir droit de cité

Et ils ont beaucoup à donner,

Paul, Émilie et les autres.

Blessés et limités bien sûr,

Comme moi, comme vous,

Et pleins de dons aussi,

Ces chouettes enfants de Dieu…

Ces amis que j’aime!