L'ALLUMEUR DE RÉVERBERES
Réflexions pour mieux se positionner face aux défis du quotidien
Des feuillets proposés par 
Christophe Élie

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Feuillet 43                                                                                                   
Coule ! riviere

Retrouver en soi la permission du bonheur
 - 3e partie

21 aout.
Aujourd'hui, premier jour du reste de ma vie

Extrait du journal de Samuel

(Suite du Feuillet 42)


Journée de peche entre Samuel et son grand-pere, qui s'est fait demander :   Et toi, Papi, si tu pouvais revivre ta vie... ? Séduit par ce qu'il appelle le secret de la petite Luce, Papi Jean laisse entrevoir a Samuel que, comme elle, sa recherche du bonheur va peu a peu délaisser l'instinct pour ressembler davantage a une conquete.
 

Si je pouvais revivre ma vie... Oui, je chercherais a retrouver ce que je vois vivre a la petite Luce, a sauter dans la riviere de la vie comme elle le fait : elle en attrape toute la tendresse, s'asperge un bon coup en riant, et en éclabousse ceux qui sont autour.

― Je pense que j'ai saisi ou tu veux en venir, dit Samuel. Mais en pratique, Papi, qu'est-ce que ça change pour toi de voir la vie de cette façon-la ?

― Hum... Je suis content que tu poses la question.

Quand je m'impregne du secret de  Luce, mon envie remonte de me considérer comme un enfant de l'abondance, de croire que les armes de la tendresse sont les bonnes, et je m'aperçois qu'effectivement, je regarde avec d'autres yeux ce qui m'arrive.

Apres coup, je réalise que des choses se sont mises a changer, subtilement. Par exemple, je prends plus plaisir a donner leur chance aux gens : ceux qui me sont antipathiques, j'arrive a me dire qu'ils sont surtout blessés ou insécurisés, pas franchement mauvais. Quand le stress monte, je regarde de quoi il est fait : je regle ce que je peux régler tout de suite, et je reporte a demain ce que je ne pourrai régler que demain. Et si je me fais des reproches a propos d'hier, je vais voir si j'ai fait de mon mieux, et devant le miroir je me pardonne. C'est des choses comme ça que je voulais dire, en parlant de voyager plus léger.

― Mais tu crois qu'on peut croire dans la bonté des gens et de la vie, si ce qu'on a connu est tout le contraire ?


Une question de vision

Papi Jean reste en silence un moment, les yeux rivés au ciel gris.

― Toute une question... Tu sais, il ne s'agit pas de nier ce qui nous a fait mal, ou ce qui défigure la beauté du monde. Regarde le ciel : est-ce que tu cesses de croire que le soleil existe parce que tu ne vois que des nuages ? Ça peut juste t'en donner l'envie davantage. C'est pareil dans la vie : est-ce que les gens délaissés perdent l'envie de chanter des chansons d'amour ? La voix de la petite Luce est toujours vivante en chacun...

Je connais une autre clef, aussi : c'est de monter sur le toit, de regarder le grand cosmos. Si tu observes un peu les étoiles, si tu te renseignes le moindrement sur l'astronomie, tu seras éberlué par l'harmonie qui regle l'univers : les galaxies suivent un parcours précis depuis des milliards d'années, les planetes ne tombent pas. Quelles forces peuvent bien entretenir ça ? Ces forces-la sont bien capables de se soucier aussi d'une poussiere d'étoile comme toi, un etre humain ― penses-tu ? Si moi, j'ai pu faire preuve de tendresse pour mes enfants ― et meme pour mes petits enfants ! ― est-ce que les forces de la vie pourraient etre moins capables de tendresse qu'un simple Papi Jean pour un Samuel, pour une petite Luce ?

Je crois que nous sommes guidés, Samu, meme si nous ne savons pas de quelle façon. Des gens appellent ça le divin en soi . Une des plus belles expériences que je connaisse, c'est de preter mes mains a la Vie pour qu'elle continue de faire de la vie. Si je pouvais revivre ma vie, je nommerais plus souvent les cadeaux qu'elle me fait, ceux aussi que j'ai l'occasion de faire a mon tour. Je partirais plus souvent au désert a l'intérieur de moi, pour entendre cette petite voix qui vient de plus grand que moi : mon intuition. Ma permission du bonheur, je le sens de plus en plus, c'est la qu'elle loge.

En passant, il y a une chose qui m'impressionne : la Vie a beau etre capable de maintenir la course des galaxies et de prendre soin d'un gars comme toi, sais-tu qu'il y a une chose pour laquelle elle ne pourra jamais rien ?

― Ça s' peut, ça ?...  B'en... non.

― C'est si tu ne lui ouvres pas ta porte. Plus nous nous donnons la permission du bonheur, plus nous donnons a la Vie la permission de nous aimer.

Il m'est d'ailleurs venu une image assez cocasse.  Elle va te faire drôle, a toi qui vis a l'ere des fusées dans l'espace. Je revois ton arriere-grand-pere en train d'atteler ses deux chevaux a la carriole. Je n'y avais jamais pensé, mais je trouve que le bonheur et l'amour ont quelque chose de ces deux chevaux-la : quand l'un des deux se met a tirer la carriole, ça ' prend pas de temps qu'il entraîne l'autre.


Revivre sa vie : a portée de... demain

― Mais Papi, si tu pouvais revivre ta vie, comment saurais-tu la vivre différemment ? C'est parce que tu l'as vécue déja que tu sais tout ça, non ?

― Ah, quel sage, ce Samuel ! Tu as tout a fait raison : si je te dis tout ça, c'est parce que ma vie me l'a appris, a coup de petits bonheurs, de tapes sur les doigts aussi. Et puis, peut-etre que tout ce que je pense ne vaut que pour moi ?...

― Pas sur, Papi, pas sur.

― Tu sais, je te dois une fiere chandelle. C'est ta question qui m'a mis en chemin. Je réalise que oui, je peux revivre ma vie. Qu'en fait, c'est aujourd'hui le premier jour du reste de ma vie.

Ai-je besoin de la recommencer, comme si elle avait été un échec ? Ça voudrait dire qu'un probleme de maths qu'on n'a pas encore résolu est un échec ? La vie est pareille, c'est une école. Ce qui est triste, ce sont les expériences dont on n'a rien appris, ça oui.

Je me dis qu'a chaque fois que je pose un regard neuf sur quelqu'un ou sur un événement, je redonne sa chance a la vie. Et c'est la que je recommence ma vie. N'est-ce pas ce que nous montre Luce ? Avec cette vision la, je trouve que notre vie a beau prendre de l'âge, c'est notre âge qui prend de la vie. Il s'agit seulement...

― ...De relancer ta ligne a l'eau ? interrompt Samuel avec un oeil malicieux... et passablement de fourmis sous les fesses.

Il n'a pas le temps d'attendre la réponse, qu'il s'exclame : Hé ! A gauche, regarde. J'en vois une qui saute !...


Christophe Élie 

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Édité par le site GRANDIR, QUÉBEC

N'hésitez pas a reproduire nos textes, en indiquant la source.
 v2005-05-07

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