L'ALLUMEUR DE RÉVERBERES
Réflexions pour mieux se positionner face aux défis du quotidien
Des feuillets proposés par 
Christophe Élie

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Feuillet 41                                                                                                   

 
Et toi, Papi, si tu pouvais revivre ta vie...?

Retrouver en soi la permission du bonheur
 - 1e partie


Songe que chaque jour est a lui seul une vie
Séneque
 

Ah comme j'aimerais qu'on m'ait appris ça avant...   Vous est-il arrivé de vous dire ce genre de chose ? Des gens y arrivent au soir de leur vie, avec le secret sentiment d'etre passés a côté. Pour certains, c'est apres une épreuve qui les a jetés par terre : maladie, deuil, séparation... D'autres, c'est lorsqu'ils voient déraper des gens qu'ils aiment, voudraient leur éviter de se faire mal a ce point. Un meme sentiment chez tous :  ...Ça ' se peut pas que la vie soit si difficile, il doit bien y avoir moyen...   Et de fait, plusieurs en sortiront non seulement grandis, mais étonnés, une fois la douleur dépassée :   L'histoire qui suit une journée de peche de Samuel avec son grand-pere voudrait traduire quelque chose de cet état d'esprit.

*

Tu m'avais posé une question...
 

A gauche, Samu ! J'en ai vu une sauter...

Samuel sursaute. Il relance sa ligne a l'eau. Peut-etre bien pour la dixieme fois...
Ouaih ! Enfin une !

Une belle truite, toute mouchetée de jaune sur sa peau grise. Le garçon affiche un visage radieux :
Je le savais don' que je finirais par l'avoir !

Puis,  calme plat. Seulement le clapotis de l'eau contre le bois de la chaloupe. Samu et Papi ont beau changer leurs appâts, aucun poisson qui morde. Quand on a douze ans, étirer le temps sous la brume, c'est long...

Samuel, te rappelles-tu, le mois passé au service funéraire de ton oncle André. Tu m'avais posé une question...

Attends... Ah oui, le pretre disait qu'on mourait comme on avait vécu. Je t'ai demandé Et toi, Papi, si tu pouvais revivre ta vie...?

Exact. J' suis resté figé sur le moment, ça me prenait de court. Sais-tu qu'elle m'a habité ta question, des jours et des jours. Elle m'a nourri, meme, assez pour te dire merci : tu m'as fait faire tout un voyage.


Ce qui nous séduit chez un enfant

Et le grand-pere, un homme en fin de cinquantaine du type réfléchi, continue :

Est-ce que ça t'arrive d'observer ta petite soeur Luce, de loin ? A trois ans, c'est déja tout un professeur de vie.

Ah bon ?

Regarde comment elle joue. Qu'est-ce que tu observes ?...

B'en... elle est toute concentrée... Elle a l'air d'avoir du plaisir...

Tout a fait. Autre chose ?

Ah ! j'ai vu qu'elle regardait papa du coin de l'oeil, de temps en temps. Ça la rassure. Apres, elle se remet a jouer.

Exactement. Luce se sent en sécurité, toute entiere a brosser les cheveux de sa poupée, a faire son dessin... Elle n'est pas polluée dans sa petite tete, comme toi ou moi par un reproche qu'on nous a fait hier, par un probleme qui pourrait nous arriver demain. Elle est gratuite devant ce qu'elle fait, comme hors du temps, trouves-tu ? Neuve. Et comme elle sait que quelqu'un veille sur elle, elle peut s'abandonner a jouer, aller a l'exploration de ce qui l'entoure : elle ressent, elle contacte.

Je trouve aussi qu'elle est branchée sur son sentiment a elle, ajoute Samuel. T'as vu, dimanche dernier, quand j'ai fait semblant de lui piquer son jeu ?

Tu me le dis ! Un fauve qui défend son morceau de viande. Elle aurait été prete a te le donner, mais pas a se le faire prendre. L'instant d'apres, d'ailleurs, tu lui as montré un autre jeu : ses yeux se sont allumés, elle a couru pour le prendre. As-tu remarqué, l'autre était déja oublié !

C'est a elle que j'ai repensé quand j'ai voulu répondre a ta question. Je me suis dit que si je pouvais revivre ma vie, j'essaierais de recréer plus souvent ce qui m'attire tant chez la petite Luce : sa confiance en la vie, le jeu qu'elle se fait avec un rien. De chaque instant elle fait un laboratoire-a-bonheur, l'air de se dire  Bon, qu'est-ce qu'il y aurait don' a savourer par ici ?...

Toi aussi, t'as quelque chose de ça, quand je te vois guetter le poisson au bout de ta ligne.


Christophe Élie

(La suite au Feuillet 42)

 

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Édité par le site GRANDIR, QUÉBEC

N'hésitez pas a reproduire nos textes, en indiquant la source.
 v2005-05-07

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