L'ALLUMEUR DE RÉVERBERES
Réflexions pour mieux se positionner face aux défis du quotidien
Des feuillets proposés par
 Christophe Élie

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Feuillet 39

 
Reconnaître, simplement...
 

Réflexion autour d'un moment de culpabilité 


La culpabilité est un faux ami, mais un excellent messager. On ne se trompe pas de la laisser a la porte, en attrapant au passage le cadeau qu'elle apporte.

Vous arrive-t-il par périodes de ressasser des je m'en veux de... , des j'aurais don' du... ? Claire, une jeune amie, m'a partagé un combat féroce de ce genre, qu'elle a vécu récemment. 

Elle fait partie d'un groupe d'animateurs dans un projet touristique. Elle me confiait le stress qu'elle a vécu a l'occasion de sa rencontre d'évaluation.  On lui a reproché d'enfreindre les horaires, de s'octroyer des passe-droit... Pas facile de préserver le sentiment d'exister quand on vit dans une organisation ou tout est planifié, que le public vous envahit... Les petites échappatoires deviennent une question de survie !


Mais je suis meilleure que ça !

Courageusement, elle a a poussé plus loin le dialogue avec son superviseur. Elle est meme allée jusqu'a contacter deux collegues avec qui elle s'était retrouvée en friction. Elle avait envie de nettoyer ça. Elle a  surtout été remuée de se faire dire qu'on lui reprochait moins ses écarts aux consignes que les justifications qu'elle ajoutait toujours : tu as toujours une bonne raison...

Claire est de ces personnes pleines d'idéal, exigeante pour elle-meme. Quand ça ne fonctionne pas, elle tombe de haut, ça fait plus mal. La culpabilité est montée. Les jours suivants, a peine avait-elle une minute de libre ou un moment d'insomnie que le combat intérieur reprenait : elle se comparait a ses collegues, revenait sur les lieux du crime... Partie d'une simple friction avec d'autres, elle en arrivait a se reprocher l'ensemble de sa façon d'aborder la vie... Ouf ! ça épuise.

Sa fatigue nerveuse l'a rendue plus réceptive. C'est alors qu'elle s'est rendue compte que son groupe, en la confrontant, lui avait rendu service. Le message était clair : au lieu de te sentir coupable, reconnais simplement...  Elle a aussi compris que ses justifications adressées aux autres étaient une façon de se parler a elle-meme, de se réconcilier avec son idéal : vite me prouver que je suis meilleure que ça !... Reconnaître simplement, quelle conquete !... 


Quoi en faire ?... 

Claire m'a confié son combat, mais aussi sa fierté de sentir confusément qu'elle était en train de grandir dans tout ça. 

- Faut-il que je rabaisse mon idéal ?...
- Jamais ! c'est ce qui te fait vivre, et progresser.

Je l'ai invitée, plutôt, lorsqu'elle constate qu'elle entre en justifications, a observer avec tendresse de quoi est fait le combat. Puis, de rassurer son enfant intérieur sur le fait qu'il a droit a l'erreur, le droit de ne pas savoir. Peut-etre le bercer un peu... 

Ce n'est pas tout. Dans son marécage émotif, Claire a mobilisé toute une énergie, avec laquelle elle s'est fait mal. Cette énergie a besoin d'une porte de sortie.  Elle peut se défouler physiquement : taper du pied dans le sol, courir a perdre haleine... Le soulagement sera réel, mais momentané. Pour qu'il soit durable, ce transfert d'énergie a besoin de se faire de la meme façon au plan mental. L'énergie déployée a se faire des reproches doit etre déplacée sur autre chose. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme disait le scientifique Lavoisier, je crois. Déplacer sur quoi donc ?...

Essayons donc de mieux comprendre ce qui se passe avec la culpabilité : peut-etre qu'une partie de la réponse est de ce côté. Nos j'aurais du...   contiennent-ils seulement du reproche, un aveu d'échec ? Et s'il y avait au fond de ça un cadeau caché ?...

Si on y regarde de pres, le sentiment de culpabilité contient plusieurs choses. C'est un haut-parleur : notre etre nous alerte sur un événement manqué, il sait d'instinct qu'il nous faut trouver comment vivre ça autrement. C'est aussi un gallon a mesurer (un metre) : plus notre émotion est forte, plus nous sommes en combat pour rejoindre notre idéal. Et c'est une énergie, quelquefois un véritable volcan intérieur. 

Mon expérience est qu'au lieu de nous flageller avec ce metre, nous pouvons le considérer comme un maître : profiter de ce qu'il cherche a nous apprendre. Cette énergie, si elle a réussi a paralyser notre ardeur, doit bien etre capable de la propulser vers l'avant, en changeant sa direction. Mais ça prend un premier sursaut stop ! , la décision de refuser d'affecter cette énergie a un corps mort : le passé. Nous avons agi de notre mieux dans le contexte, nous ne pouvons plus le changer, et cette énergie qui se mobilise apres avoir été jeté a terre ne sera pas de trop pour nous relever.

Oui, tout tient a notre décision de faire du neuf, dans l'instant. Dans quelle direction mon organisme me dit-il d'aller : etre plus a l'écoute ? faire passer les personnes avant les projets ? mieux respecter un horaire ?... peu importe. Donc, le conscientiser. Ensuite, nous engager. Ça se passe face a nous-meme : Promis, je vais par la des la prochaine occasion...

Que s'est-il alors passé ? Nous avons transformé le reproche en intention, Nous avons refusé de considérer la gifle reçue comme une évaluation de qui nous sommes. Plutôt, nous l'avons prise comme un réveil-matin : hé, debout, c'est l'heure !... . Alors nous sommes repassé du côté de la vie.

Ça ne se fait pas du premier coup, car nous avons par moments l'impression qu'il n'est pas possible d'etre un cherche-lumiere tant qu'il nous reste encore de la vase collée a la peau, que nous retombons dans les memes ornieres émotives. Oui c'est possible ! C'est humain de marcher dans des champs de boue. Mais c'est humain aussi de se reprendre, et de marcher dans nos champs debout.


Au fond, se pardonner

Claire a vécu semblable sursaut. A la fin, elle a saisi qu'elle venait d'apprendre quelque chose de capital. Vous auriez du voir son visage quand elle me le racontait : elle se surprenait a éprouver en meme temps de la douleur et de la joie. C'était beau a voir. Au fond d'elle, elle venait de faire un peu plus de vérité, de se re-connaître  --  a la fois vulnérable et capable d'autre chose. C'est un peu ça, le pardon.

Pour l'heure, elle a bien besoin de dormir, de se dorloter aussi pendant quelques jours, quelques semaines. Le temps va faire le reste, patiemment. Et pour moi, j'ai mieux saisi la sagesse cachée dans cette formule inlassable de mon vieux guide de yoga : Accepter, s'adapter, laisser aller.


Christophe Élie

 

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Édité par le site GRANDIR, QUÉBEC
http://www.sitegrandir.com

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 v2005-01-01

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