L'ALLUMEUR DE RÉVERBERES
Réflexions pour mieux se positionner face aux défis du quotidien
Des feuillets proposés par 
Christophe Élie

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 Feuillet 14

 
Ces gens que personne ne peut sentir
Entrer certains jours par la blessure de l'autre...

Pour etre un guérisseur, tu dois comprendre que
personne ne fait rien d'inconvenant,
compte tenu de son modele du monde.

Niele Donald Walsch **


Revenir a etre bon pour moi, d'abord

J'éprouve une allergie pour cette personne. Décidément, il semble qu'il y ait des gens franchement mauvais... 

Les moments ou je me suis le plus senti en colere ont été souvent des instants de tension avec quelqu'un de tres proche de moi. Apres coup, j'ai réalisé pourquoi : c'est suite a des moments ou je m'étais senti traité injustement. Par exemple, j'avais donné le meilleur de moi, et c'était comme si ce n'était pas encore suffisant. Je m'étais du coup senti blessé dans quelque chose de sacré, c'est difficile a expliquer. 

Si bien qu'au sortir de tels moments, je me suis mis a pratiquer d'etre bon pour moi, tout de suite, de ce que l'autre n'avait pas été pret a l'etre a mon égard. J'ai fait la une découverte capitale sur la façon de prendre soin de moi dans les situations de tension avec quelqu'un.


La tentation de remettre le Monde en ordre

Mais, ça m'a mené plus loin. J'ai fait un lien entre ça et mes observations sur des gens plus extérieurs a ma vie intime : une collegue du bureau au caractere intraitable, une vedette dont les journaux nous ont appris le suicide, des jeunes de 11-12  ans qui commettent un crime en apparence inexplicable et peu accordé a leur âge... 

Je me suis rappelé le proverbe amérindien : avant de juger quelqu'un, marche le temps d'une lune dans ses mocassins...   Ma recherche est loin d'etre  terminée  -  celle de notre société non plus !  -  mais je crois avoir compris certaines choses. 

D'abord, j'en suis arrivé a croire que ces personnes se sont elles aussi senties traitées injustement, pas seulement par une autre personne, dans un événement, mais  par la vie dans leur trajectoire : famille brisée, vécu d'orphelinat, parent alcoolique ou milieu de pauvreté... Elles ont sans aucun doute réagi de la façon la meilleure qu'elles connaissaient pour se rendre justice : faire a d'autres ce que quelqu'un nous a fait, non seulement ça nous procure un certain soulagement, du moins momentané, mais on se sent fort possiblement comme un mandat de justicier. Que ma réaction en soit une de vengeance; que je fasse payer quelqu'un d'autre a la place de la personne qui m'a blessé,  la n'est pas l'affaire. Ce qui compte, c'est de rétablir une sorte de balance des choses, de remettre le Monde en ordre.


Retrouver l'enfant blessé

J'ai continué mon exploration. A partir du moment ou j'ai mis de côté les jugements sur des comportements hors-la-loi, et suis parti de la question  quel besoin s'exprime dans ce geste ?... , je n'ai pas tardé a trouver d'autres raisons pour comprendre. J'ai pris conscience de l'enfant négligé. Souvent entouré de l'abondance matérielle, l'essentiel lui a manqué : se sentir aimé. Des thérapeutes mettent en évidence qu'une fois adulte, toutes les occasions sont bonnes pour attirer l'attention  -  une maniere de forcer l'amour qu'on ne nous a pas donné naturellement. S'il faut poser des gestes provocants ou socialement refusés, agresser meme, on le voit comme le prix a payer. On en vient a agresser pour se défendre : la peur a fourni l'impulsion d'attaquer avant d'etre attaqué.

J'ai aussi pris conscience du fait que ces personnes souffrent, quelquefois a un point que je ne soupçonnais pas. Car elles paraissent mener un combat intérieur de tous les instants. Le fait, alors, d'en faire baver d'autres est, j'imagine, une façon plus ou moins consciente de dire : j'ai besoin de faire mal pour que quelqu'un réalise a quel point j'ai mal...
  

Dans son livre cité au début, Neale Donald Walsch propose une question désarçonnante devant quelqu'un tenté de nous agresser :  Qu'est-ce qui te fait si mal que tu croies devoir me blesser pour te guérir ?  Si nous parvenons a exprimer a l'autre  Je comprends que tu te sentes ainsi , et a toucher le coeur, une manche vient d'etre gagnée.


Est-ce que c'est efficace ?

Ce genre de réflexions n'explique pas tout. Elles ne viennent pas excuser les gestes, c'est sur. Mais peu a peu je constate que mon regard évolue. Le fait d'avoir un moment marché dans les souliers de telles personnes m'ouvre a croire qu'elles puissent encore avoir quelque chose de bon, caché sous un masque épais de peurs, de tristesse et de douleur émotive. Imaginer l'enfant  que ces personnes ont été : peut-etre avons-nous la une clef sure. Car cet enfant est encore la aujourd'hui, qui cherche toujours a etre reconnu.

Qui sait si cette façon de regarder une personne déviante peut lui fournir une sorte d'énergie du coeur, et qu'elle recommence a croire en sa valeur. 

Il m'est arrivé de vérifier que oui, une fois. C'était un chauffeur d'autobus, que peu d'usagers apprécient, car il s'affiche comme un type fermé, du genre bourru. J'ai soupçonné chez lui une grande timidité et je me suis intéressé a percer sa carapace. Je vois aujourd'hui son regard s'éclairer lorsque je monte dans le bus. A son contact, j'éprouve maintenant une satisfaction difficile a qualifier. Il me fait penser au plaisir que j'avais lorsque, enfant, je réussissais a mettre en confiance un écureuil et qu'il venait cueillir une noisette jusque dans ma main  : j'étais plutôt fier ! 

Avec le temps je m'aperçois que cet effort pour regarder autrement les gens qui me rebutent, finit par me profiter a moi. Dans les moments ou je me sentirais personnellement agressé, je le prends moins personnel, comme on dit, et du coup je m'en trouve moins remué.

Christophe Élie

 

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Édité par le site GRANDIR, QUÉBEC
http://www.sitegrandir.com

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 v2005-01-01

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